Luge Capital : là où les institutions financières rencontrent l’innovation technologique des startups
Pour comprendre le genre de firme qu’est Luge Capital, imaginez un investisseur en capital de risque qui porte fièrement le t-shirt de la compagnie dans laquelle la firme vient d’investir et s’en va passer la journée entière derrière son kiosque, dans un congrès, pour donner un coup de pouce. Ce genre-là.
« Nous sommes des investisseurs qui s’engagent à fond pour aider leurs compagnies en portefeuille à grandir, confirme David Nault, qui a fondé l’entreprise en 2018 avec son associé Karim Gillani. Nous leur donnons accès à notre réseau, à notre expérience et à nos conseils. Mais en même temps, nous comprenons la différence entre être investisseur et exploiter une entreprise : on est là pour guider l’entrepreneur, pas pour lui dire ce qu’il doit faire. C’est lui qui prend les décisions finales, et nous faisons confiance à ses instincts. »
Mais en quoi consiste Luge Capital, au juste ?
La startup qui aidait les startups
Luge Capital gère un fonds en capital de risque qui, au moment où ces lignes sont écrites, est investi dans 12 compagnies, dont 80 % sont basées au Canada et 20 % aux États-Unis. Fondée par deux anciens entrepreneurs et dirigeants qui ont été actifs dans le domaine financier, la firme se voit elle-même comme une « startup de l’investissement » au service des startups de la fintech – c’est-à-dire ces entreprises qui développent des technologies numériques pour les services financiers.
« Nous avons créé Luge, explique David Nault, pour répondre à un double besoin : d’abord celui, chez les startups de la fintech, de pouvoir se tourner vers un fonds spécialisé exclusivement dans leur secteur, ce qui n’est pas si fréquent au Canada, ni aux États-Unis. Mais aussi le besoin, chez les grandes institutions financières, de bénéficier de certains investissements pour stimuler une innovation qui pourrait servir éventuellement leurs intérêts communs. C’est la thèse qui a motivé – et qui continue de motiver – la participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec et de Desjardins, qui ont dirigé les premiers investissements dans Luge. Cinq autres institutions financières hautement stratégiques qui partagent cette vision se sont rapidement jointes au fonds par la suite : la Financière Sun Life, le Fonds de solidarité FTQ, La Capitale, Le Groupe financier IA et la BDC. »
Le modèle d’affaires de Luge consiste donc à ériger des passerelles entre les startups en fintech et les grandes institutions financières, lesquelles apportent un éclairage pour valider des solutions, une clientèle initiale ou un partenariat et, dans certains cas, un accès à du capital additionnel.
Tourné vers les institutions financières
« Il faut comprendre que les grandes institutions financières, explique David Nault, sont assises sur des technologies héritées et des façons de faire qui ralentissent leur cycle d’innovation – ce qui ouvre la porte aux startups. Règle générale, cependant, la plupart de nos entrepreneurs ne vont pas chercher à concurrencer de front les grandes banques ou les grands assureurs : ils vont plutôt développer des technologies qui s’intégreront à leurs entreprises. C’est une stratégie plus réaliste que d’essayer de se mesurer à une marque réputée, bien établie et avec une solide base de clientèle – ce que les institutions financières sont déjà. »
Cela ne signifie pas qu’à l’occasion, une entreprise en portefeuille ne puisse pas s’aventurer dans le B2C, mais ce sera surtout pour démontrer que sa solution a la capacité d’attirer la clientèle. C’est le cas, par exemple, de Till, une banque numérique « challenger » qui permet aux enfants de devenir financièrement autonomes dès le plus jeune âge, et dans laquelle Luge a investi sur le marché américain.
Un pipeline de 1 400 entreprises
Après à peine deux ans d’existence, Luge Capital dispose d’un pipeline d’occasions qui regroupe quelque 1 400 entreprises de la fintech, dont 75 % sont au Canada et 25 % aux États-Unis. Jouissant déjà d’une bonne notoriété au Canada et aux États-Unis, la firme est sollicitée par un grand nombre d’entrepreneurs de la fintech, tout en demeurant elle-même très active pour dénicher des entreprises cibles, en fonction des besoins identifiés par ses partenaires investisseurs. La firme publie également sur son site web ses hypothèses quant aux solutions technologiques qui pourront changer le monde de la finance, invitant les entrepreneurs concernés à se manifester.
Avec 12 investissements à ce jour, le fonds demeure cependant très sélectif. Comme plusieurs autres investisseurs en capital de risque, son principal critère, une fois la pertinence du produit validée, est la capacité de l’équipe de gestion de le livrer, mais aussi de le vendre aux grandes institutions financières. « Il y a le product-market fit, explique David Nault, mais pour nous, le founder-market fit est aussi important. »
Compte tenu de son approche active auprès des entrepreneurs, Luge se donne aussi un autre critère avant d’investir : « serons-nous en mesure de mettre notre savoir et notre réseau à profit pour aider cette firme à grandir ? »
De l’amorçage jusqu’à la série A
Avec un investissement initial maximum de deux millions de dollars comme premier chèque, Luge Capital est active principalement dans les phases d’amorçage et de série A. Son objectif : amener l’entreprise à atteindre son premier million de dollars de ventes en démontrant son product-market fit, et l’aider à passer à sa prochaine ronde d’investissement.
« Notre aide est à plusieurs niveaux. Grâce à notre réseau, nous pouvons mettre l’entrepreneur en contact avec des clients, des partenaires, des talents et du capital additionnel. Nous pouvons aussi fournir de l’intelligence d’affaires pour aider à comprendre le contexte concurrentiel, ou encore éclairer les choix technologiques. Il nous est même arrivé de participer à des entrevues pour l’embauche d’un nouveau chef des technologies et d’une équipe de direction aux ventes et au marketing. Ultimement, nous aidons l’entreprise à gagner du terrain, à bien ‘packager son histoire’ et à structurer son financement de la ronde suivante. »
Chez Luge, on voit un peu les entrepreneurs comme des athlètes qui foncent vers l’avant, persévèrent devant l’adversité et prennent des risques – et qui parfois tombent mais se relèvent aussitôt.
« On est dans la luge avec eux. Nous cherchons le chemin le plus rapide pour accéder au podium. »
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Derrière les chiffres
Ce que David Nault aime le plus dans son métier.
« Toute notre équipe aime travailler avec des fondateurs qui sont motivés par leur mission, et nous cherchons à redonner aux autres de toutes les façons possibles. »
Ce qu’il aime le moins dans son métier
« Comme investisseurs, nous disons ‘non’, en moyenne, 99 fois sur 100. C’est difficile, à la longue, de dire non quand vous savez que l’entrepreneur espérait un oui. J’ai déjà été dans les souliers des entrepreneurs et je sympathise avec eux. »
Une figure inspirante
« J’ai beaucoup de respect pour Chris Arsenault, d'Inovia. Il est un très bon exemple de ce qu’un gestionnaire de fonds devrait être. Il gère son équipe et encadre ses compagnies en portefeuille avec brio. Je continue d’apprendre beaucoup de lui. »
Sur sa table de chevet
« Je viens tout juste de finir Obviously Awesome en vue d’un webinaire avec l’auteur et avec des fondateurs d’entreprises, sur la question du positionnement de produit. Mais honnêtement, je suis une personne qui a aussi besoin de bouger. J’adore les activités physiques et les expériences qui m’apportent un rush d’adrénaline ou m’amènent à repousser mes limites, comme faire de la course automobile. Et c’est très dur de lire en conduisant à haute vitesse. »
La série qu’il a le plus aimée
« Plutôt un film, disponible sur Netflix : The Boy Who Harnessed the Wind. C’est l’histoire d’un garçon de 14 ans, en Afrique, qui déjoue la fatalité. Très inspirant ! J’ai aussi aimé Playbook – A Coach’s Rules for Life, parce que le coaching est une partie tellement importante de notre travail dans le capital de démarrage. »
La playlist qu’il écoute présentement
« J’écoute tout ! Rock, rap et dance. À part l’opéra et le jazz, je peux écouter n’importe quoi de n’importe quelle année – tout dépend de mon humeur et de l’activité à laquelle je m’adonne. »
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