Flinks : parce que les données appartiennent au consommateur
Cette startup de Montréal a un plan d’affaires très simple : permettre la circulation des données bancaires et rendre leur utilisation plus facile, pour que le consommateur obtienne le niveau de service qu’il mérite.
Certaines entreprises viennent au monde pour changer le visage d’une industrie. D’autres cherchent surtout à la rendre plus performante. C’est le cas de Flinks, qui apporte une solution d’une efficacité inédite aux entreprises du secteur financier… et qui, finalement, est quand même en train de changer un peu le visage de l’industrie. Entrevue avec Yves-Gabriel Lebœuf, cofondateur et chef de la direction de cette startup montréalaise.
Q : En quoi consiste Flinks et que vient-elle apporter dans le marché ?
YGL : « Flinks » signifie essentiellement « Financial Links ». L’idée de démarrer cette compagnie nous est venue alors que nous exploitions déjà une autre société de développement de logiciels. En échangeant avec nos clients, nous avions constaté que les solutions offertes aux institutions financières canadiennes pour agréger et analyser les données clients n’étaient pas efficaces. Les systèmes en place affichaient un taux de succès très faible et laissaient les institutions avec des informations peu fiables. Et cela s’explique en bonne partie par le fait que le marché canadien présente des particularités qui sont difficiles à gérer pour les grands fournisseurs de TI internationaux.
Q : Comment avez-vous décidé de vous attaquer à ce problème ?
YGL : Nous savions comment le régler, mais avant même de créer l’entreprise, nous voulions nous assurer d’avoir des clients – et des revenus. Nous avons donc contacté les clients potentiels en leur présentant notre proposition et avons été en mesure d’obtenir des lettres d’intention de leur part. Cela nous confirmait qu’il y avait un marché et une demande, et que nous pouvions nous investir dans ce projet.
Q : Quel rôle le soutien d’investisseurs externes a-t-il joué dans votre plan d’affaires ?
YGL : Au début, nous avons été en mesure de démarrer la compagnie avec du « love money », c’est-à-dire du capital de départ fourni par nous-mêmes et par nos proches. Ensuite, nous avons réalisé qu’une injection de capital nous permettrait d’accélérer notre déploiement et de nous attaquer à de nouveaux marchés. Environ un an après la création de l’entreprise, une première ronde menée par Luge Capital et la Banque Nationale nous a permis d’obtenir 1,75 million de dollars. Quatre autres partenaires, Innostart Capital, Panache, iNovia Capital et Conconi Growth Partners, ont pris part à cette ronde de financement. De plus, en juillet dernier, nous avons obtenu un financement de plus de 16 millions de dollars pour stimuler davantage le développement de notre technologie de connectivité de données et de numérisation. Je dirais que, pour nous, obtenir du capital de risque n’est pas une fin en soi : c’est d’abord un puissant accélérateur.
Q : Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face ?
YGL : Le premier est l’évolution de la réglementation. Toute notre offre repose sur la conviction que les données appartiennent au client, non pas aux différentes institutions avec qui il fait affaire, et qu’il devrait pouvoir les déplacer ou les faire circuler librement. C’est une vision « power to consumer ». À cet égard, l’Europe est plus avancée que nous en termes « d’open banking ». Quant à notre deuxième défi, ce sera d’obtenir des apports massifs de capital si nous voulons compétitionner à un autre niveau.
Q : Comptez-vous continuer à vous développer à partir de Montréal ?
YGL : Absolument. Nous deviendrons sans doute une firme de plus en plus internationale, mais basée à Montréal. Le soutien gouvernemental à l’innovation est un avantage concurrentiel précieux ici. L’écosystème en place crée aussi un pool de talents où nous pouvons puiser à un coût raisonnable.
Q : Comment assurez-vous la cohésion de votre vision, compte tenu de votre rythme d’embauche soutenu ?
YGL : Nous avons un processus assez original. Lorsque nous embauchons une nouvelle personne, nous passons en revue notre « constitution » qui établit nos valeurs et nos principes. Nous voulons des gens qui adhèrent à notre marque. Nous voulons aussi des personnes qui savent quoi faire dans une journée pour atteindre des résultats. Ils peuvent travailler cinq heures par jour ou quatorze, ce qui compte ce sont les résultats. Ils n’ont même pas besoin de se présenter au bureau la plupart du temps.
Q : On sait que les technologies de l’information sont un secteur où le recrutement et la rétention de personnel est un enjeu. Est-ce le cas chez vous ?
C’est vrai que la main-d’œuvre est en quantité limitée mais, comme nous permettons le télétravail, nous pouvons aller la chercher là où elle est. Cela nous permet aussi de favoriser le style de vie que nos employés désirent avoir : plusieurs habitent à Montréal ou Toronto, près de nos bureaux, mais d’autres ont préféré s’établir en région. Incidemment, cette organisation du travail s’est révélée particulièrement avantageuse dans un contexte de crise sanitaire et économique comme celle qui s’est déclenchée ce printemps, puisque tous nos employés pouvaient déjà travailler à partir de chez eux. Nous avons pu maintenir nos opérations tout en contrôlant les risques que nos employés et leurs familles soient exposés à la COVID-19.
Cela dit, il faut préciser qu’en temps normal notre siège social, à Montréal, a la capacité de recevoir tous nos employés. Chaque trimestre, nous organisons d’ailleurs ce que nous appelons notre Chapter, un événement qui permet à tous nos employés de venir passer une semaine au bureau. C’est une activité de « team building » avec des présentations par chaque département, des conférenciers et des occasions de rencontres comme nos Friends of Flinks, une sorte de 5 à 7 où se retrouvent les employés, des clients, des collaborateurs, des investisseurs et ainsi de suite. Ça nous permet de maintenir une culture et de nous assurer que tous les silos sont brisés. De plus, nous avons beau être une start-up, nous offrons à nos employés des avantages sociaux concurrentiels, dont certains qu’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs… À la maison comme au bureau, les chiens sont les bienvenus !
Flinks en un coup d'œil
Première ligne de code :
janvier 2017
Premier client :
avril 2017
Première ronde d'investissement :
avril 2018
Principaux investisseurs :
Luge Capital et Banque Nationale
Solutions offertes :
Système d'agrégation de données financières, systèmes d'analyse de données financières
Nombre d'employés :
60, bientôt une centaine
Moyenne d'âge :
environ 35 ans
Signe distinctif :
Les employés amènent leurs chiens au bureau (quand ils y viennent)