Avec Zilia, l’œil devient une fenêtre ouverte sur la santé
Cette entreprise de Québec a mis au point une plateforme technologique révolutionnaire qui vise à détecter des maladies oculaires graves avant même l’apparition de dommages à l’œil. Puis, elle a réalisé que l’œil n’était que le début de l’aventure.
D’ici 2030, on estime que la prévalence des principales maladies causant la cécité augmentera de façon spectaculaire : 81 % pour le glaucome, 63 % pour la rétinopathie diabétique et 89 % pour la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La question s’impose : n’existe-t-il pas des technologies médicales qui aideraient à agir en amont des dégâts ? La réponse pourrait bien se trouver sur la Grande Allée, à Québec, dans les bureaux de Zilia, où une équipe multidisciplinaire est à mettre au point la plateforme Zilia Ocular.
Entrevue avec Patrick Sauvageau, cofondateur et PDG de cette startup québécoise.
Q : Qu’est-ce que Zilia ?
PS : Zilia est une entreprise que nous avons fondée pour concevoir un appareil permettant la mesure de biomarqueurs dans l’œil, en commençant par l’oxymétrie oculaire – c’est-à-dire la mesure de l’oxygénation de la rétine. C’est un sujet sur lequel j’ai travaillé dès mes études de maîtrise en optométrie et, durant toutes ces années, j’ai gardé la conviction que ce champ de recherche était trop important pour être « tabletté ». En fait, on connaît depuis des années l’importance de la régulation en oxygène au niveau de l’œil, mais il n’existait pas encore d’outils cliniques pour la quantifier – seulement des outils de recherche. En 2012, mon frère Dominic et moi avons donc combiné nos expertises, lui en génie et moi en optométrie, pour fonder Zilia.
Nous avons commencé comme beaucoup de startups, dans le garage. Nous avons fait nos devoirs. En 2017, nous avons obtenu notre premier brevet et procédé à notre première ronde de financement. Nous avons mis en place une équipe de qualité et aujourd’hui, grâce son travail, notre appareil Zilia Ocular est disponible pour usage expérimental.
Q : En quoi Zilia Ocular vient-il changer la donne ?
PS : Zilia Ocular est la première caméra rétinienne qui permet la mesure continue de l’oxygénation dans l’œil. Elle représente la troisième révolution dans le domaine des soins oculaires. Dans les années 1980, on a vu apparaître les caméras rétiniennes puis, dans les années 2000, les scans. Tous deux constituaient des avancées majeures. Avec notre technologie, nous accédons maintenant au niveau métabolique, qui ouvre de toutes nouvelles perspectives diagnostiques.
Q : Comment est-ce que ça fonctionne ?
PS : Nous combinons trois technologies : l’imagerie, la spectrométrie et l’intelligence artificielle. Nous utilisons la lumière pour acquérir des images et des informations spectrales à un emplacement précis du fond de l’œil. Un algorithme extrait ensuite les spectres d’absorption connus de biomarqueurs, en commençant par les états oxygénés et désoxygénés de l’hémoglobine pour calculer la saturation effective en oxygène. Nous comptons ainsi déceler des maladies comme le glaucome, la rétinopathie diabétique et la dégénérescence maculaire, bien avant qu’elles ne soient détectables à l’aide des technologies traditionnelles. Pour les patients, ça pourrait se traduire par des traitements beaucoup plus tôt. Ça pourrait également aider les compagnies pharmaceutiques à développer de nouveaux médicaments. Et de façon plus large, un diagnostic précoce peut aussi, bien sûr, contribuer à réduire le coût des soins de santé et améliorer la qualité de vie des patients.
Mais en fait, c’est seulement un début.
Q : Que voulez-vous dire ?
PS : Nous commençons seulement à explorer les champs d’application de notre technologie, et ils sont presque illimités. C’est que l’œil, en réalité, est une fenêtre ouverte sur la santé d’une personne. Parce que la rétine fait partie du cerveau, on peut envisager d’y mesurer des biomarqueurs neurologiques. En ayant accès aux vaisseaux sanguins de manière non invasive, on peut aussi y mesurer des biomarqueurs cardiovasculaires et même des biomarqueurs de cancers. Les champs médicaux que peut rejoindre Zilia vont donc bien au-delà des soins oculaires. On parle de neurologie, d’oncologie, de pharmacologie, de médecine sportive, de médecine d’urgence… C’est une technologie qui a le potentiel de changer le paradigme en matière de diagnostic et de prise en charge clinique et ce, pour une multitude de conditions de santé.
Q : Quel est votre plan d’affaires ?
PS : Notre premier défi est de prioriser ! Nous nous concentrons d’abord sur le marché des professionnels de la vue, en commençant par les États-Unis, le Canada et l’Europe. On parle de plus de 450 000 professionnels de la vue dans le monde. Nous travaillons pour que sur un horizon de 5 ans, Zilia Ocular devienne pour eux un « gold standard » clinique. Par la suite, nous élargirons notre action dans les autres champs d’application.
Q : Quel rôle le soutien d’investisseurs externes peut-il jouer dans votre plan d’affaires ?
PS : Nous sommes dans un domaine où un apport constant de capital est essentiel, en raison des coûts liés au développement et aux approbations réglementaires. Mais en plus du capital, il y a tout l’écosystème de soutien à l’innovation qui est important. Nous pouvons notamment compter sur la présence de l’Institut national d’optique, de la grappe industrielle en optique photonique et d’un excellent réseau d’universités et de diplômés en génie et en intelligence artificielle. Nous avons aussi accès à des ressources scientifiques et technologiques d’avant-garde. Et nous avons la chance de compter sur des mentors, que ce soit en matière scientifique ou en matière de capital de risque.
Q : Où sera Zilia dans cinq ans ?
PS : Nous avons réussi à concevoir un outil révolutionnaire de diagnostic clinique en trois ans, alors nous sommes très optimistes pour le futur. Il ne fait aucun doute pour les influenceurs dans le domaine que l’oxymétrie oculaire est la voie de l’avenir. Nous arrivons un peu du champ gauche avec une approche « disruptive », mais nous avons le sceau d’approbation de la communauté scientifique. J’ai bon espoir que nous aurons réussi à devenir la référence et que nous aurons contribué à sauver la vue de millions de patients. Puis, il faudra voir où nous en serons quant aux autres applications prometteuses sur lesquelles nous commençons à travailler.
ZILIA EN UN COUP D’ŒIL
Amorce du projet :
2012
Premier brevet :
2017
Première ronde d’investissement :
2017
Premier appareil prêt pour usage expérimental :
2020
Solution offerte :
Analyse des biomarqueurs dans l’œil, en commençant par l’oxymétrie oculaire
Nombre d’employés :
17
Stade d’investissement :
Série A
Ambition :
Contribuer à sauver la vue et à améliorer la santé de millions de gens