Amplitude Ventures : investir pour sauver des vies
Il y a très longtemps, Jean-François Pariseau était étudiant-chercheur dans un laboratoire qui, dans un sous-sol d’hôpital, travaillait à mettre au point un pancréas artificiel pour sauver des patients atteints de diabète de type 1. Avec Amplitude Ventures, il s’attaque à des défis tout aussi considérables – mais avec d’autres moyens.
C’est une histoire encore toute jeune que celle d’Amplitude Ventures. Créée en 2018 par Dion Madsen et Jean-François Pariseau, auxquels se sont joints dès les débuts Allyson Tighe et Bharat Srinivasa, la firme a ensuite lancé son premier fonds de capital de risque axé sur la médecine de précision. Aujourd’hui, l’équipe d’Amplitude compte neuf personnes, basées principalement à Montréal, mais aussi à Toronto et à Vancouver.
« Amplitude, explique Jean-François Pariseau, est un essaimage de la Banque de développement du Canada, qui souhaitait susciter plus de capacité d’investissement dans les sciences de la vie, en permettant à des investisseurs externes de jouer un rôle de levier. Nos quatre membres de départ sont tous des anciens de la BDC, qui est un important investisseur de notre fonds. »
Les sciences de la vie demeurent, selon lui, un secteur sous-représenté dans le marché du capital de risque. « Nous avons réalisé que les joueurs privés se comptaient sur les doigts des deux mains et qu’il fallait offrir une nouvelle option aux entrepreneurs pour leur permettre de se financer localement. Au Canada, nous sommes excellents pour développer de l’innovation dans les sciences de la vie, mais franchir la prochaine étape a toujours été plus difficile. »
Porter l’innovation plus loin, plus vite
Le défi que s’est donné Amplitude est donc simple, du moins dans sa formulation : aider nos chercheurs dans les sciences de la vie à structurer des entreprises, puis aider ces entreprises à croître rapidement et à acquérir une envergure mondiale – moment où on pourra « dérisquer » l’investissement en intéressant de nouveaux joueurs.
Il faut dire que l’équipe avait déjà fait ses preuves au sein de BDC Capital, où elle avait géré un fonds de 270 millions de dollars entre 2013 à 2018. Elle a joué notamment un rôle de premier plan dans la création et la croissance de Clementia et de Zymeworks, deux sociétés biotechnologiques dont la capitalisation boursière est aujourd’hui dans les milliards de dollars. Elle a aussi contribué à d’autres succès, comme ceux de Milestone Pharmaceuticals et de Profound Medical, qui sont aujourd’hui cotées en Bourse.
Et depuis 2019, Amplitude remet la table avec des investissements dans de nouvelles entreprises à fort potentiel, notamment Deep Genomics et Repare Therapeutics. Cette dernière a fait l’objet du premier investissement du fonds, en 2019, et a procédé à son premier appel public à l’épargne en juin 2020.
Des approches médicales de plus en plus ciblées
« Le thème central de notre stratégie d’investissement, explique Jean-François, est celui de la médecine de précision. Nous avons la conviction que l’avenir de la médecine consistera à ‘offrir le bon médicament au bon patient, au bon moment’. Ça implique de développer des outils de diagnostic de plus en plus puissants pour en arriver à des plans de traitements de plus en plus précis et, en parallèle, développer des médicaments qui vont permettre des thérapies de plus en plus ciblées qui généreront moins d’effets indésirables. »
Le cofondateur d’Amplitude cite à cet égard l’exemple du cancer. « Il y a 25 ou 30 ans, les traitements étaient littéralement des bombes au napalm : on injectait des poisons dans le patient en espérant qu’il s’en sorte sans trop de dommages. Aujourd’hui, les traitements vont faire appel, par exemple, à des anticorps multivalents qui vont cibler une protéine associée spécifiquement à certains cancers et permettre de les traiter. On est en train de transformer le cancer en une maladie chronique qui permettra de conserver une bonne qualité de vie au patient. »
L’alliance de la science et des affaires
Petite difficulté, cependant : dans les sciences de la vie, les cycles de développement et d’entrée sur le marché sont parfois très longs, surtout si on les compare à d’autres secteurs d’investissement. « Nous devons prendre des décisions sur des événements qui se produiront peut-être dans quatre… sept… huit ans, et composer avec un taux d’échec très élevé. Mais le potentiel du secteur est aussi très élevé, notamment à cause de l’état de nos systèmes de santé : ils ont un criant besoin d’outils de diagnostic puissants et de traitements ciblés pour relever leurs défis. »
Pour lui prêter main-forte, Amplitude a mis en place un comité consultatif composé d’experts aux parcours scientifiques ou entrepreneuriaux exceptionnels. « Ces six personnes nous aident à préciser notre stratégie d’investissement, avec comme ambition d’amener les sciences de la vie à un autre niveau, au Canada. »
Amplitude a aussi établi sa propre plateforme de création, construction et croissance d’entreprises, qui canalise environ le tiers de ses investissements. « Nous étions déjà très engagés dans nos entreprises. Mais avec la plateforme, nous pouvons aller plus loin en générant notre propre ‘deal flow’. Nous accélérons la réalisation de nos thèses d’investissement en priorisant des technologies porteuses, issues d’universités et de centres de recherche canadiens. »
Amplitude et l’Espace CDPQ
Amplitude fait partie de la quinzaine de firmes de capital de risque qui ont élu domicile à l’Espace CDPQ. Jean-François Pariseau avoue être un grand fan de la formule. « Lorsque nous avons démarré l’entreprise, l’équipe de l’Espace nous a accueillis à bras ouverts et nous a permis de nous intégrer à une communauté d’investisseurs. »
Pour lui, l’Espace CDPQ représente une plateforme de convergence unique. « J’ai déjà travaillé sur Boston et San Francisco, où le volume du capital de risque est incomparablement plus grand, mais je n’y ai vu aucune plateforme équivalente pour permettre aux investisseurs d’interagir, de partager leurs meilleures pratiques et, éventuellement, de co-investir. »
Si l’approche d’Amplitude consiste à faire converger la science et les affaires, il semble donc que ses efforts convergeront aussi vers une industrie du capital de risque, au Québec, encore plus agile et plus dynamique.
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Derrière les chiffres
Ce que Jean-François Pariseau aime le plus dans son métier
« La santé est un secteur d’investissement où on peut avoir un effet véritablement profond sur la société. On voit certains de nos médicaments et de nos appareils médicaux améliorer des vies et même les sauver… C’est extrêmement motivant. »
Ce qu’il aime le moins dans son métier
« Il n’y a pas une journée où je me lève sans avoir envie de faire ce travail. Mais s’il faut citer un élément, je dirais la portion cléricale du métier, qui consomme beaucoup du temps (alors que j’aimerais en passer davantage avec des universitaires et des entrepreneurs !). »
Une figure inspirante
« Je pense d’emblée à Noubar Afeyan. Noubar est un Libanais d’origine qui a fait ses études à l’université McGill puis au MIT, et qui a fondé Flagship Pioneering, une des firmes de capital de risque les plus performantes au monde dans notre secteur. Sa vision a complètement changé la façon de développer des entreprises en sciences de la vie. Et entre autres, c’est un modèle qui est à la base d’une certaine entreprise nommée Moderna. »
Sur sa table de chevet
« Sur ma table de chevet, il y a Measure What Matters, le livre de John Doerr sur les OKR (objective and key results)… Mais ça fait un moment que je l’ai et je ne l’ai pas encore lu ! Sinon, je suis plutôt attiré par le polar. J’aime bien les romans d’Harlan Coben et d’Henning Mankell. »
La série ou le film qu’il a le plus aimé
« Une série ou un film, pour moi, c’est pour se changer les idées : il faut que ça soit divertissant. J’ai un garçon qui, comme moi, aime beaucoup les superhéros. Je me sers un peu de lui pour me gâter… Disons que je suis du genre Marvel. »
La playlist qu’il écoute présentement
« Je n’ai pas vraiment de playlist mais j’écoute de la musique quand je cours. Actuellement, c’est un mélange assez agressif de System of a Down (un groupe engagé dont le propos me rejoint) et de Rage Against the Machine... Mais pour le reste, j’écoute un peu de tout. »