Anges Québec : Investir. S’investir.
On dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Dans le monde de l’investissement, au Québec, il faut aussi une communauté pour faire émerger des jeunes pousses innovantes. Une communauté appelée : Anges Québec.
Vous ne croyez pas aux anges ? La start-up montréalaise Paper, elle, y a cru. En juillet dernier, après seulement sept ans d’existence, l’entreprise a conclu une ronde de financement de 100 millions de dollars US, menée par le géant du capital de risque de la Silicon Valley IVP. Des entreprises comme Moka, Chronogolf et Smart Reno, qui ont aussi fait l’objet d’investissements conséquents ou d’acquisitions au cours des dernières années, y ont cru également. Car au point d’origine de tous ces succès se profile la présence discrète d’investisseurs des premiers instants – les anges du réseau Anges Québec.
Entrevue avec Geneviève Tanguay, présidente-directrice générale d’Anges Québec depuis novembre 2020.
Juste après le « love money »
« Dans le monde du capital de risque, explique Geneviève Tanguay, l’ange représente le premier stade d’investissement après le love money, c’est-à-dire l’argent procuré par la famille et les proches. Typiquement, il s’agit d’hommes et de femmes au niveau d’actif élevé, souvent des entrepreneurs qui ont vendu leur société ou encore des investisseurs qui cherchent à diversifier leur risque tout en mettant leur expérience au service de jeunes entreprises innovantes. »
Alors qu’on peut retrouver jusqu’à 20 réseaux d’anges investisseurs dans un marché comme celui de Boston, il en va différemment au Québec, où l’essentiel du travail des anges est structuré autour d’un réseau : Anges Québec. Celui-ci effectue la connexion entre les investisseurs et un vaste pipeline d’occasions d’investissement dans des entreprises en phase de démarrage ou de prédémarrage. Il s’agit du plus grand réseau du genre au Canada.
« Chaque année, nous étudions environ 400 projets d’investissements, dont nous retenons une cinquantaine pour présentation à nos membres. Notre sélection est basée sur des critères d’investissement comme le potentiel de croissance de la compagnie, mais aussi sur notre capacité à la jumeler avec l’expertise d’un nombre suffisant d’anges investisseurs parmi nos 230 membres : il faut un match. Si au moins 10 membres font connaître leur intérêt, une vérification diligente sera dirigée par l’un d’entre eux, au terme de laquelle les anges pourront confirmer leur décision et un syndicat d’investissement sera formé. »
La mise de fonds minimum d’une ronde d’investissement est de 25 000 $ par ange, soit un investissement de 250 000 $ par entreprise. Typiquement, l’investissement moyen s’élèvera plutôt autour de 450 000 $ au total, voire davantage lorsque le fonds AQC Capital (voir ci-dessous) est co-investisseur.
Pas seulement du capital,
pas seulement un pipeline
Depuis la création d’Anges Québec, en 2008, ses membres ont investi pas moins de 115 millions de dollars dans plus de 150 entreprises innovantes. Mais pour sa PDG, le rôle du réseau va au-delà de sa position d’intermédiaire entre le capital et les entreprises qui en ont besoin.
Toute la plateforme est en effet conçue pour faire bénéficier l’entrepreneur de l’expérience de ses anges et de leurs réseaux, et l’aider à passer à la prochaine étape. « En même temps, nous agissons comme une école de formation pour les anges qui, même s’ils sont des entrepreneurs aguerris, en sont souvent à leurs premiers pas dans le capital de risque. Nous aimons penser que nous faisons émerger à la fois une nouvelle génération d’entreprises et une nouvelle génération d’investisseurs. »
Des partenariats précieux
Si Geneviève Tanguay a accepté la direction d’Anges Québec, après 20 ans d’engagement dans le monde de l’investissement et du transactionnel (notamment comme directrice des investissements au Fonds de solidarité), c’est pour relever un grand défi : créer de nouvelles synergies avec les autres joueurs du capital de risque au Québec, et engager Anges Québec dans le changement.
À cet égard, Anges Québec est partie prenante d’AQC Capital qui regroupe plusieurs investisseurs institutionnels, notamment Investissement Québec, Teralys Capital, la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction et Finalta Capital. AQC Capital a annoncé en juin la création de son fonds AQC II, qui totalise quelque 65 millions de dollars au terme de sa première clôture.
Le but d’AQC II est d’agir comme levier pour accélérer la croissance de startups dans lesquelles les anges du réseau sont investisseurs. « Alors que l’investissement minimum est de 250 000 $ pour les anges, il passe à 500 000 $ si AQC décide d’être co-investisseur. Et on parle bien d’un minimum, puisque nous avons actuellement plusieurs propositions pour des investissements d’un million et plus. » AQC Capital est dirigée par Serge Beauchemin, un entrepreneur en technologies réputé et « dragon » bien connu du grand public.
Geneviève Tanguay précise aussi que le partenariat d’Anges Québec avec l’Espace CDPQ est un élément clé dans la stratégie du réseau. « Il y a d’abord le lieu, parce que la créativité ne peut exister que dans des espaces stimulants. Mais il y a surtout la présence de toute une communauté d’investisseurs, parce que l’investissement est d’abord une question de relations humaines. Un tel hub de capital de risque, je n’ai vu ça qu’à Boston lorsque j’ai vécu à Cambridge, sur le campus de MIT. »
Les ailes d’un ange
Si la pandémie a engendré davantage de réinvestissements que de nouveaux investissements, les investisseurs d’Anges Québec ont néanmoins conclu pas moins de 50 investissements en 2020, pour un total de près de 20 millions.
Anges Québec s’est également dotée d’une plateforme 100 % virtuelle qui lui permet de présenter des opportunités de partout à travers le Québec. Et si l’année 2020 a été exigeante, elle a aussi amené une réflexion axée sur le changement, avec comme objectif de repositionner Anges Québec comme partenaire de premier choix des entrepreneurs innovants.
« À la sortie de la pandémie, je pense que nous allons assister à la plus grande cuvée d’innovation qu’on ait vue depuis longtemps : dans plusieurs domaines, on ne fera plus jamais les choses de la même façon. »
Et pour les anges investisseurs, cela signifie que tous les indicateurs sont actuellement au vert.
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Derrière les chiffres
Ce que Geneviève Tanguay aime le plus dans son métier
« La possibilité qui m’est offerte de transformer une organisation et d’inspirer nos équipes pour le faire ensemble. Nous avons de belles bases sur lesquelles construire et nous pouvons écrire un nouveau chapitre. »
Ce qu’elle aime le moins dans son métier
« Dans le contexte de la pandémie, le plus difficile a été évidemment de prendre mes fonctions en novembre 2020 sans pouvoir rencontrer mes équipes. Mais de façon plus large, dans une organisation comme Anges Québec, un des grands défis est la multitude des parties prenantes. Il faut réussir à les ramener dans une direction commune. »
Une figure inspirante
« Terry Fox. Il nous a montré que la force de la détermination était un facteur important dans la réussite et que nous n’avons pas besoin d’être les plus intelligents et les plus forts : si nous faisons tout ce dont nous sommes capables chaque jour, nous réussirons. J’ai eu la chance de rencontrer le frère de Terry Fox. Ça a été une rencontre marquante. »
Sur sa table de chevet
« Un livre écrit par mon mari, Roger T. Duguay, en collaboration avec Renaud Margairaz : Éviter les faux pas à l’ère numérique. Aussi, un vieux classique : Flying without a net, par Thomas DeLong, sur les moyens qui nous permettent de dépasser nos craintes, de prendre des risques et accomplir de nouvelles choses. Et plus récemment, Le miracle Spinoza par Frédéric Lenoir, un « must » en matière de philosophie et une réflexion sur le pouvoir du moment présent. »
La série qu’elle a le plus aimée
« Je suis accro à la science-fiction. Westworld, The Handmaid’s Tale… Tout ce qui nous amène dans le futur. »
La playlist qu’elle écoute présentement
« Depuis que je suis allée au festival Burning Man, avant la pandémie, ma playlist a changé ! J’y ai les meilleurs DJ au monde : WhoMadeWho, Giorgia Angiuli, Boris Brejcha… Mais je suis aussi une fan finie d’Iron Maiden. »
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