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Poka : connecter les gens pour optimiser les opérations

Alors que le rêve d’un Internet des objets captive l’imagination, une entreprise de Québec, Poka, choisit de se concentrer sur un secteur plus terre-à-terre de l’économie connectée : l’Internet des travailleurs. Tous les travailleurs. De toutes les usines. Du monde entier. Portrait d’une entreprise qui ne manque pas de vision.

Alexandre Leclerc aurait pu voir son avenir dans la fabrication de biscuits, comme quatre générations de Leclerc avant lui, qui ont permis à la marque Leclerc d’acquérir la renommée qu’on lui connaît. C’était avant de faire ses classes dans une usine nouvellement acquise par l’entreprise familiale et d’y découvrir l’existence de difficultés communes, en fait, aux installations industrielles de toutes les entreprises : une gestion des connaissances, des communications, de la formation et des mécanismes de résolution de problèmes mal adaptés à la réalité des travailleurs.

Le concept de la future entreprise Poka – un nom inspiré du terme japonais Poke Yoke, ou « anti-erreur » – venait de naître.

Q :    Qu’est-ce que Poka apporte au monde industriel ?

AL :    Poka s’inscrit dans ce qu’on appelle « l’industrie 4.0 », qui consiste à repenser les processus et les procédés en utilisant une quantité massive de données. Or, une partie de ces données doivent être utilisées par les employés qui font le travail ou qui, de plus en plus, gèrent les machines qui font le travail. Dans mes années sur le plancher, j’ai été renversé de voir à quel point, chaque fois qu’une nouvelle usine était démarrée ou qu’un nouvel employé était intégré, tout était à recommencer : on devait tout communiquer à nouveau. Je ne comprenais pas que je pouvais tout savoir sur mes amis, mes tantes et leurs chiens sur Facebook, que je pouvais apprendre à réparer un appareil sur YouTube – mais qu’à l’usine on pouvait perdre des heures à chercher une information pour dépanner une machine. 

Je me suis donc dit qu’il fallait inventer une sorte de Facebook/YouTube du monde industriel. J’ai contacté mon meilleur ami, Antoine Bisson, qui est informaticien et travaillait alors chez Microsoft. Il a aimé l’idée et en 2014, nous avons démarré Poka.

CEO Alexandre Leclerc, CTO Antoine Bisson, CFO Louis-Philippe Benoit
Antoine Bisson, CTO et cofondateur​​, Louis-Philippe Benoit, CFO et Alexandre Leclerc, CEO et cofondateur.

Q :    En quoi consiste Poka précisément ?

AL :    Poka est une application qu’une entreprise peut mettre dans les mains de chaque employé d’usine, généralement à l’aide d’une tablette. L’application comprend cinq modules : le fil de nouvelles ; la gestion de problèmes ; le suivi du développement des compétences ; la base de savoir ; et les formulaires numériques qui servent notamment à la conformité. Selon les enjeux du client, nous activons l’ensemble des modules, ou nous nous concentrerons sur celui qui apportera le plus de valeur, le plus rapidement.

L’application est hébergée en nuage. Elle ne nécessite pas de serveur ou d’infrastructure additionnelle chez le client : juste un bon réseau wi-fi et des tablettes. Elle peut être déployée en une soixantaine d’heures, à distance, et ne nécessite à peu près pas de formation puisqu’elle est elle-même un outil de formation.

Q :    Concrètement, comment ça fonctionne ? 

AL :    Jusqu’ici, les plateformes de gestion pour les employés d’usine étaient plutôt des solutions pour cols blancs, mais qu’on voulait faire utiliser par des cols bleus. Poka a vraiment été conçue pour les cols bleus.

Par exemple, quand un employé arrive devant une machine, il en scanne le code et accède à la page de cette machine, qui est un peu comme son profil Facebook. Tout y est, à commencer par le fil de nouvelles, alimenté par tous les employés qui travaillent sur cette machine ou une machine similaire dans les autres usines de l’entreprise, et même dans d’autres entreprises. Ces « posts » sont souvent sous la forme de vidéos de deux à trois minutes filmées par les travailleurs. Ils ne fournissent pas seulement l’information, mais aussi le contexte pour l’enrichir. 

Le travailleur trouve donc rapidement l’historique de la machine, ses instructions de travail, ses guides de résolution de problème, ses documents, ses réglages, ses jeux de données clés. L’application comprend aussi une matrice des compétences par poste de travail, qui séquence les contenus qu’un travailleur doit assimiler pour accomplir des tâches données, et elle permet de suivre sa progression.

Poka se connecte aussi aux autres systèmes. Elle connecte à la fois les machines avec les machines, les machines avec les travailleurs et surtout les travailleurs avec les travailleurs.

Q :    L’application semble conçue pour les très grandes entreprises. Est-ce le cas ? 

AL :    Il faut en effet une masse importante de données générées par les utilisateurs si on veut qu’une synergie s’installe. C’est la raison pour laquelle nous avons ciblé les grandes entreprises manufacturières internationales en tout premier lieu. Actuellement, l’application est installée chez plus d’une centaine de clients, dans plus de 50 pays et en 25 langues. Environ 80 % de nos affaires se font à l’extérieur du Canada et nous avons des antennes dans plusieurs pays.

Nous croyons que notre croissance passe par le Canada et les États-Unis, mais aussi par des pays européens avec une bonne base industrielle comme l’Allemagne, la France, la Suède, les Pays-Bas. En parallèle, plusieurs entreprises de taille moyenne expriment aussi un besoin pour une application comme Poka. Nous étudions la faisabilité de développer une solution adaptée à ce marché.

Q :    Puisque vous parlez de croissance, à quoi ressemble celle de Poka ?

Poka a été créée en 2014 par deux amis d’enfance qui se connaissent depuis tellement longtemps qu’ils savent d’avance ce que l’autre va commander au restaurant. Si vous m’aviez dit que nous passerions de deux employés à huit, un an plus tard, et bientôt à 150, je ne vous aurais jamais cru ! 

En termes de chiffres d’affaires, nous doublons nos revenus chaque année. Nous sommes dans un secteur où il faut agir et croître extrêmement rapidement. C’est d’ailleurs un sujet de conversation avec mon père, lui qui est à la tête d’une biscuiterie respectable qui a pris 116 ans à devenir ce qu’elle est et qui planifie 25 ans à l’avance en fonction des prochaines générations. Nous, c’est un tout autre rythme.

Q :    Quel rôle a joué l’écosystème québécois du capital de risque dans votre développement ? 

AL :    Nous avons démarré l’entreprise avec peu de capital, mais un apport est vite devenu nécessaire pour acquérir une masse critique de clients et d’employés. Et là, ce fut tout un apprentissage ! Comme l’entreprise familiale ne fait pas appel à des investisseurs externes, c’était un nouveau monde pour moi.

Mais cet apport a été fantastique, et pas seulement pour le financement. Le capital de risque s’est beaucoup développé, ici, au cours des dix dernières années et nos investisseurs nous ont fait profiter de leur expertise, de leurs réseaux, et de leurs connaissances. 

Je ne dirai jamais assez tout ce que nos investisseurs ont fait pour nous. On est à Québec et à Montréal, mais on a d’aussi bons investisseurs qu’à San Francisco.

Q :    Où sera Poka dans 10 ans ? 

AL :    Nous voulons être le nouveau standard. Nous voulons que chaque usine ait son Poka, peu importe l’endroit où elle se trouve dans le monde.

POKA EN UN COUP D’ŒIL

Item

Création de la compagnie :

2014

Nombre d’employés :

près de 150

Produit :

application permettant de connecter et d’autonomiser les travailleurs d’usine

Stade d’investissement :

série B

Plus récente ronde de financement :

2021 (25 millions $ US)

Principaux investisseurs :

Inovia capital, 40 North Ventures, McRock Capital, SE Ventures, CDPQ, Robert Bosch Venture Capital, Leclerc

Ambition :

installer Poka dans chaque usine de chaque entreprise, partout dans le monde
 

poka.io